VIDYA ET AVIDYA

 

La Connaissance de l'unité

et la connaissance de la multiplicité

 

 

Il y a deux façons de considérer l'univers. On peut supposer, avec la science moderne, et nous fondant sur la connaissance de la multiplicité (Avidya), que la matière est l'origine, la source de toutes choses. On étudiera tout comme un processus de l'évolution matérielle. Si cette hypothèse est avérée, comment expliquerons-nous l'apparition du mental, de la vie et de l'Esprit ? S'il n'y avait aucune force consciente derrière les opérations de la matière, celle-ci ne connaîtrait que sa propre existence statique.

      L'autre approche se fonde sur la connaissance inhérente de l'Unité (Vidya) qui voit tout comme un partie intégrale de l'Un et l'univers comme une manifestation de l'Esprit.

      Quand nous considérons l'univers comme une manifestation de l'Esprit, quand, nous appuyant sur la connaissance de l'Un, nous voyons tout comme une totalité et commençons à regarder au-delà, nous pouvons voir que la matière évolue, crée, maintient, désintègre et recrée de nouvelles formes de matière. C'est le cycle éternel de la vie, la réalité qui sous-tend l'existence manifestée.46

 

Le seul appel véritable qui nous est lancé, est l'appel de l'Infini et du Suprême ; l'affirmation de soi et la négation de soi que la Nature nous impose sont toutes deux des mouvements vers Cela, et c'est dans cette approche qu'ils assument leur vraie nature ; ils remplacent alors la voie

    



erronnée, ignorante de l'ego, nous laissant découvrir ce qui reste quand cesse le conflit entre le « oui » et le « non » de la Nature. Si nous ne le découvrons pas, soit la poussée de la vie sera trop forte pour notre idéal étriqué de perfection — ses instruments seront brisés et il ne pourra ni s'accomplir ni se perpétuer ; au mieux, nous n'obtiendrons qu'un succès mitigé. Ou alors, au contraire, le rejet de la vie nous paraîtra être le seul remède, la seule issue pour échapper à l'étreinte invincible l'ignorance.47

 

Il est certain que si nous n'étudions que le monde matériel, excluant toute  autre preuve de l'existence d'autres plans comme un rêve ou une hallucination, et si nous excluons également toutes les opérations mentales qui dépassent les limites matérielles pour n'étudier que ses rapports ordinaires avec la Matière, nous serons obligés d'admettre la théorie selon laquelle la Matière est l'origine, la base et le contenu indispensables de toutes choses. Sinon, nous serons irrésistiblement conduits vers les conclusions de l'ancien Védanta.48

 

C'est là notre « péché originel » [la séparation de notre conscience d'avec la  Conscience divine], ou disons plutôt, pour employer un langage plus philosophique, ce qui nous a écartés de la Justice et de la Vérité de l'Esprit, de l'unité, de l'intégralité et de l'harmonie qui étaient la condition nécessaire à cette grande plongée dans l'Ignorance qu'est l'aventure de l'âme dans le monde, et dont est née notre humanité qui souffre et qui aspire.49

    



L'origine du mensonge et du mal

 

Vous demandez comment atteindre à la libération. En expulsant tous les désirs afin qu'ils ne puissent plus s'emparer du mental ; c'est de cet état intérieur que vient la libération, la félicité de l'âme recueillie en elle-même ; le mental est calme et équanime, il se tient au-dessus des attractions et des répulsions, au-dessus des violents remous et du labeur incessant de la vie extérieure.

      Le Libérateur est en nous, mais il n'est ni notre mental, ni notre intelligence ni notre volonté personnelle. Ceux-ci ne sont que ses instruments. [...] C'est dans le Seigneur que nous devons prendre entièrement refuge.50

 

Le premier mouvement doit évidemment consister à se débarrasser du désir qui est la racine même du mal et de la souffrance ; et pour s'en débarrasser, nous devons en éliminer la cause : cette ruée des sens qui se précipitent vers leurs objets pour en jouir. Nous devons les rétracter, les retirer vers l'intérieur, loin de leurs objets, comme la tortue rentre la tête sous sa carapace. Ils se retirent dans le mental pacifié, le mental pacifié se retire dans l'intellect, l'intellect pacifié plonge dans l'âme et dans la connaissance de soi, observant l'action de la Nature, mais sans se soumettre à elle, sans rien désirer de ce que peut donner la vie objective.51

    



La vraie difficulté

 

La vraie difficulté se trouve toujours en nous-même, pas dans notre entourage.52

 

Puisque la difficulté se trouve au cœur même de cette double existence,  limitée et séparatrice, que nous vivons, le changement doit consister en une intégration et une guérison de la conscience divisée de notre être ; or cette division étant complexe et multiple, aucun changement partiel d'un seul aspect de l'être ne saurait se substituer de façon satisfaisante à la transformation intégrale. La première division est celle que crée notre ego et surtout, avec le plus de force et d'acuité, notre ego vital qui nous sépare de tous les autres êtres, les considérant comme « non-moi », et nous lie à notre égocentrisme et à la loi d'une affirmation de soi égoïste. C'est dans les erreurs de cette affirmation de soi que la fausseté et le mal émergent tout d'abord : la conscience fausse engendre la volonté fausse dans les parties de l'être, dans le mental pensant, le cœur, le mental vital et l'être sensoriel, et jusque dans la conscience du corps ; la volonté fausse engendre l'action fausse de tous ces instruments, une erreur multiple, une foisonnante perversion de la pensée, de la volonté, des sens et des sentiments.53

 

Etre conscient est le premier pas nécessaire pour surmonter les obstacles — mais pour les surmonter complètement, la force est nécessaire, ainsi que le détachement et une forte volonté.54

 



Notre plus haute sagesse, notre science la plus profonde et la plus précise,  notre application la plus efficace de la connaissance, ne peuvent au mieux qu'amincir le voile de l'ignorance, elles ne peuvent le percer, tant que nous n'atteignons pas à la connaissance fondamentale et à la conscience qui lui est inhérente. Le reste n'est utile qu'à des fins temporelles, mais s'avère inefficace en définitive, car ces choses ne nous apportent pas le plus haut bien ; elles ne peuvent apporter une solution permanente au problème de l'existence.55

 

L'ignorance dans laquelle nous vivons n'est pas un mensonge gratuit et absolu, mais au pire une représentation erronée d'une Vérité ; au mieux, une représentation et une traduction imparfaites dans des valeurs inférieures, et par conséquent trompeuses. C'est une connaissance de ce qui est superficiel. Aussi ne peut-elle saisir le secret essentiel qui est la clef de tout ce que ces vérités superficielles recherchent ; une connaissance du fini et de l'apparent, qui ne peut saisir tout ce qui dépasse la portée de notre vie inférieure, et à quoi elle doit aspirer si elle veut atteindre à ses plus hautes possibilités. La vraie connaissance est la connaissance du suprême, du plus profond, de l'infini.56

 

La vie est un choix constant entre la vérité et le mensonge, la lumière et   l'obscurité, le progrès et la régression ; l'ascension vers les cimes ou la chute dans l'abîme. C'est à chacun de faire librement son choix. (La Mère)

    



Dans la vie de chacun vient un moment où il doit choisir entre le Chemin  et la confusion. On ne peut mettre un pied ici et un pied là. Si vous le faites, vous serez déchiré en morceaux. (La Mère)